Deux degrés de plus d’ici 2100 ? La population tremble ; les chefs d’Etat prennent des décisions dures, mais courageuses ; les entreprises compressent massivement leur impact carbone…Revenons à la réalité. L’indicateur du GIEC ne fait bouger personne. Après le diagnostic et les propositions, place aux faits. Observe-t-on un réchauffement en France ? Préparez-vous à une surprise !
3e épisode : Comment a (vraiment) évolué le climat sur Paris, Lyon et Marseille depuis 1950 ?
Rappelons que dans le 1er épisode, nous expliquions les 5 défauts de la valeur de référence du GIEC :
- horizon de temps trop lointain
- absence de distinction des saisons d’été et d’hiver
- valeur planétaire amalgamée, qui ne tient pas compte des lieux où vivent les gens
- impossibilité de mesurer le changement en pourcentage
- mise en perspective du passé très délicate
Dans le 2e épisode, nous avons montré qu’un indicateur alternatif,les degrés-jours unifiés ou DJU, outil connu de tous les thermiciens, dispose des atouts pour faciliter une bonne compréhension des changements climatiques :
- horizon de temps proche et adaptable
- distinction des saisons d’été et d’hiver
- valeurs locales, faciles à obtenir
- possibilité de mesurer le changement climatique en pourcentage
- facilité de mise en perspective du passé
- Pour mémoire, quand les DJU diminuent en saison de chauffe ou augmentent en saison de réfrigération, cela signifie que le climat se réchauffe. Et réciproquement.
Examinons la mise en œuvre de cet indicateur sur les trois principales villes françaises : Paris, Lyon et Marseille.
Nous allons comprendrecomment le climat a évolué depuis 1950, en hiver comme en été.
Climat hivernal depuis 1950 : un réchauffement régulier
Grâce aux données mises à disposition par l’association Infoclimat, il est possible de visualiser de façon très claire l’évolution du changement climatique hivernal dans les trois plus grandes villes françaises de 1950 à 2021.
Les graphiques détaillés correspondant aux analyses ci-dessous sont accessibles en cliquant ici.
Entre 1950 et 2021, les DJU hivernaux ont diminué respectivement, selon la courbe de tendance, de :
- 19 % pour Lyon
- 17% pour Paris
- 22% pour Marseille
Ces données sont assez homogènes, on est proche d’une baisse de 20% des DJU. Cela signifie que l’on a besoin de moins chauffer les locaux en hiver aujourd’hui qu’en 1950 pour obtenir une température équivalente sur l’ensemble de la saison.
Bien entendu :
- on a toujours besoin de chauffer en hiver,
- les locaux bien isolés ont des besoins de chauffage plus faibles que ceux qui ne le sont pas,
- la température de confort souhaitée par les occupants a évolué. Rappelons que vers 1850, la température d’air conseillée à l’intérieur des logements s’élevait à 14-15°C !
Ainsi, en hiver, le climat s’est globalement réchauffé de 20 % sur les trois plus grandes villes françaises en 70 ans.
Climat hivernal depuis l’an 2000 : continuité dans le réchauffement
Sur nos 3 plus grandes villes, le réchauffement hivernal sur la période de 2000 à nos jours poursuit sa tendance à la baisse, à peu près au même rythme que précédemment.
La période plus courte peut donner l’impression que le rythme de baisse ralentit. Or, les tendances calculées sont du même ordre que sur la longue période (baisse des DJU de 0,2 à 0,4 % par an).
Ainsi, de 2000 à 2021, la courbe de tendance montre une diminution de :
- 3% pour Lyon
- 5% pour Paris
- 4% pour Marseille
Climat estival depuis 1950 : un réchauffement brutal
L’examen de la période1950-2019 montre bien une tendance à une augmentation importante de la chaleur estivale.
De 1950 à 2021, la courbe de tendance montre une croissance de :
- 113% pour Lyon
- 84% pour Paris
- 23% pour Marseille
Contrairement àl’augmentation de température en saison hivernale, pour laquelle les évolutions de Lyon, Paris et Marseille apparaissent assez proches, les augmentations de chaleur estivale apparaissent assez contrastées.
Ainsi, sur Paris et Lyon,l’augmentation de chaleur apparaît extrêmement importante, alors qu’à Marseille, elle est plus mesurée (même si +35% reste impressionnant).
Surtout, l’évolution récente des DJU estivaux fait apparaître des éléments complètement inattendus.
Climat estival depuis 2000 : un refroidissement contre-intuitif
La tendance n’apparaît pas à la hausse depuis 2000 (exception faite du pic de la canicule de 2003). Au contraire,
les températures estivales affichent une tendance à la baisse !
Ainsi, de 2000 à 2021, la courbe de chaleur estivale affiche une baisse de :
- 45% pour Lyon
- 36% pour Paris
- 55% pour Marseille
Bien entendu, il faut rester prudent avec ces chiffres qui varient beaucoup chaque année. Il peut y avoir aucours d’une année donnée une période de canicule ponctuelle, avec même des records de température inédits.
Pour autant, depuis 2000, sur les trois principales villes de notre pays, les températures sur la durée de la saison estivale n’augmentent plus, elles diminuent.
Les chiffres sont là. Ils sont sourcés.
Ils établissent des faits, d’une grande importance car ils conditionnent notre avenir (au sens propre d’ailleurs).
Ils nous parlent de nous. Que faut-il en penser ?
Le climat serait-il en train de se radoucir sous nos latitudes ?
- Avons-nous atteint une sorte de palier avant une reprise de la remontée ?
- Ce phénomène traduit-il un ralentissement de l’emballement climatique ?
- Dans le cadre du changement climatique global, ce phénomène limité à 3 lieux en France ouvre en tout cas de nouvelles pistes à explorer.
Tendances de court terme : que penser des années récentes ?
Sur la tendance de saison hivernale, on observe une forme de paradoxe : l'activité économique a été ralentie dans la plupart des pays du monde en 2020, et notamment en France. Ce ralentissement aurait pu se traduire par un refroidissement en 2020 (moins d'activité industrielle). Or, ce n'est pas du tout le cas : la tendance au réchauffement s'est poursuivie. C'est plutôt en 2021 que le froid est revenu, en restant toutefois à un niveau modeste.
L'examen de la saison d'été continue d'étonner : en forte baisse depuis le milieu des années 2000, les températures estivales semblent avoir atteint un palier bas depuis 2015. En tout cas, la hausse des étés caniculaires n'apparaît absolument pas sur nos principales agglomérations.
70 ans de changement climatique à Paris, Lyon et Marseille : quelles conclusions ?
Un, le réchauffement climatique hivernal est indiscutable sur ces trois villes. La hausse est continue, toutefois pas exponentielle à ce stade.
Deux, après une première période de réchauffement estival rapide jusqu'au début des années 2000, la tendance générale sur Paris, Lyon et Marseille semble à la baisse depuis. Il faut être prudent sur les conclusions, et suivre les chiffres avec attention.
Voulons-nous laisser l’ensemble des questions climatiques à une organisation internationale, le GIEC, certes animée des meilleures intentions ? Ou voulons-nous connaître, comprendre ce qui se passe vraiment, et participer aux décisions qui s’imposent ?
Jean-Pascal SCHAEFER
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